CONTESTATION PAR L’EMPLOYEUR DU CARACTERE PROFESSIONNEL D’UN ACCIDENT DU TRAVAIL

CONTESTATION PAR L’EMPLOYEUR DU CARACTERE PROFESSIONNEL D’UN ACCIDENT DU TRAVAIL

A L’OCCASION D’UNE ACTION EN FAUTE INEXCUSABLE  (Cass Civ 2e 5 novembre 2015)

  Lorsque la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) admet la prise en charge d’un accident ou d’une maladie au titre de la législation professionnelle, l’employeur peut avoir intérêt à contester cette décision qui vient impacter son taux de cotisations AT –MP. Cette contestation est toutefois, depuis le 1er janvier 2010, encadrée par des délais : l’employeur doit introduire son recours auprès de la Commission de Recours Amiable de la CPAM dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la Caisse (article R 441-14 du Code de la Sécurité Sociale, Circulaire DSS/2C n°2009-267 du 21 août 2009). Passé ce délai, si l’employeur n’a pas formé de recours, la décision de prise en charge lui est définitivement opposable et il ne peut plus la contester. Compte tenu du principe d’indépendance des procédures, il convient de préciser que l’action de l’employeur n’a aucune incidence sur la situation du salarié victime et ne prive pas ce dernier du bénéfice de la prise en charge. Qu’en est-il si, à l’occasion d’une action ultérieure en reconnaissance de faute inexcusable, l’employeur soulève pour sa défense, une contestation du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, alors qu’il n’a pas, dans le délai imparti, introduit de recours à l’encontre de la décision de prise en charge initiale ?   Le juge doit-il examiner cette contestation ? Dans un arrêt du 5 novembre 2015, la Cour de Cassation répond par l’affirmative, opérant ainsi une distinction entre la contestation de l’opposabilité de la prise en charge (irrecevable passé le délai de deux mois) et la contestation du caractère professionnel qui peut être invoquée comme moyen de défense par l’employeur à l’occasion de l’action en reconnaissance de faute inexcusable (Cass Civ 2e  5 novembre 2015, n° 13-28.373 FS – PBRI). La Cour de Cassation retient ainsi que « si la décision de prise en charge de l’accident du travail, de la maladie professionnelle ou de la rechute, motivée et notifiée dans les conditions prévues par l’article R441-14 du Code de la Sécurité Sociale, revêt à l’égard de l’employeur, en l’absence de recours dans le délai imparti, un caractère définitif, elle ne fait pas obstacle à ce que celui-ci conteste, pour défendre  à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie. » La Haute Juridiction renvoie l’affaire devant la Cour d’Appel de Lyon qui devra se prononcer sur l’existence ou non d’une faute inexcusable, en tenant compte de l’argumentation de l’employeur fondée sur l’absence de caractère professionnel de l’accident. Nul doute que cette jurisprudence va permettre désormais aux employeurs d’invoquer de nouveaux moyens de défense pour échapper aux conséquences financières d’une reconnaissance de faute inexcusable, à savoir :
  •  la récupération par la Caisse auprès de l’employeur des réparations dues au titre de la faute inexcusable : majoration de rente, réparation des préjudices visés à l’article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale (notamment préjudice causé par les souffrances physiques et morales, préjudices esthétiques et d’agrément, préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, et en cas d’accident suivi de mort, réparation du préjudice moral des ayants-droit de la victime),
  • la condamnation  à réparer tous les dommages subis en conséquence de l’accident et non couverts par le Code de la Sécurité Sociale (Cass. 2e civ. 13 février 2014 n° 13-10.548 n° 294 F-PB).
En effet, conformément à la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, « lorsque l’accident (ou la maladie) est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, indépendamment de la majoration de rente ou de capital dont ils bénéficient, demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L 452-3 du CSS.Les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du CSS. »(Cons. Const. 18 juin 2010 n° 2010-8 QPC)